Kazagumo
» Chronique
le 05.10.2009 à 06:00 · par Marteen B.
La première vertu de Kazagumo est d'exiger l'attention. On ne peut pas
aller faire la vaisselle, on ne peut pas discuter sur fond sonore, on
ne peut pas draguer, on ne peut pas penser à autre chose. Ça ne
marcherait pas. Pas d'émotions puissantes, pas de veine lyrique, pas de
douche sonique. Il faut se poser, arrêter les machines du monde,
écouter, être attentif. Quel soulagement, en vérité, qu'un disque qui
ne vous accorde aucune distraction.
Dans le vaste champ des musiques électroniques, Kazagumo (le vent
annonçant la pluie) s'inscrit dans le registre des symphonies pour un
homme seul. La matière sonore est souvent très peu dense. Le silence
est strié de radiations, d'irradiations, de percussions métalliques, de
clochettes et de percussions de cordes. Tournent des périodes de
chuintements, crachotements et craquements. La musique frotte. Elle
résiste. L'absence d'instrument n'en fait pas une musique virtuelle.
L'abstraction n'en fait pas une musique éthérée. C'est une musique
d'objets, sans objets originels assignés. Sifflets, vrilles, clapets,
gonds. Une musique de mécanismes. Entrechocs, clongs, gongs,
résonances. Une musique micro et pluri-rythmique.
Kazagumo explore parfois des notes aqueuses, de grosses bulles sonores
sur une surface d'huile. Peu de dissonance de toute façon, pas de
discordance. De l'ambient, Mokuhen retient des pratiques d'écoute
apaisée. Sur Frozen, on entendra même un authentique violon rayer un
instant la surface. Et sur Lisière, une aurore mélodique, qui,
brouillée de perturbations, évoque le premier album de Fog.
Mokuhen est un projet électronique du musicien Laurent Guerel, qui
travaille aussi sur des installations, ou pour le théâtre, et cela
s'entend.